
Douleurs neuropathiques en médecine physique et réadaptation
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1 - DÉFINITION ET ÉTIOLOGIE DES DOULEURS NEUROPATHIQUES (DN) EN MÉDECINE PHYSIQUE ET DE RÉADAPTATION (MPR)
DÉFINITION
Les DN ont été définies par l’Association Internationale pour l’Étude de la Douleur (IASP), comme la
La douleur neuropathique correspond à une description clinique (et non à un diagnostic) qui requiert la démonstration de l’existence d’une lésion ou d’une maladie répondant à des critères diagnostiques neurologiques établis (1).
En MPR, les DN sont source de complications. Elles peuvent ralentir, voire compromettre la récupération des patients qui en sont atteints. Or, l’objectif attendu de la prise en charge en MPR est la prévention et la lutte contre la douleur en agissant sur toutes ses composantes, tout en favorisant une récupération fonctionnelle (2).
CHIFFRES-CLÉS

Les DN engendrent un coût de prise en charge par an et par patient, non négligeable pour la société française (étude ECONEP, 2014) (8) :
ÉTIOLOGIE
En MPR, les situations potentiellement douloureuses initiées ou causées par une lésion primitive ou un dysfonctionnement du système nerveux sont multiples(11).
Principales étiologies des douleurs neuropathiques chez l’adulte en population général.
CAUSES FRÉQUENTES
Étiologies périphériques
Radiculopathies
- Radiculopathies (hernie discale, canal lombaire étroit, post-chirurgie du rachis...)
Monoeuropathies / plexopathies
- Monoeuropathies post-chirurgicales ou post-traumatiques
- Syndromes canalaires (canal carpien notamment)
- Douleurs post-zostériennes
- Douleurs neuropathiques associées au cancer (par compression ou envahissement nerveux)
- Plexopathies post-radiques
Polyneuropathies
- Neuropathies du diabète
- Polyneuropathies idiopathiques à petites fibres
- Neuropathies alcooliques
- Neuropathies toxiques et chimio-induites
Étiologies centrales
- Accident vasculaire cérébral
- Lésions médullaires traumatiques
- Sclérose en plaques
CAUSES PLUS RARES
Étiologies périphériques
- Neuropathies du VIH
- Neuropathies des maladies de système (lupus, PAN, Gougerot Sjögren, amylose)
- Neuropathies carentielles ou métaboliques (autre que l’alcool)
- Neuropathies médicamenteuses
- Neuropathies génétiques (maladie de Fabry...)
Étiologies centrales
- Syringomyélie
- Autres lésions médullaires (tueurs, lésions vasculaires...)
- Lésions cérébrales (autres que les AVC)
2 - PHYSIOPATHOLOGIE, SÉMIOLOGIE ET PARTICULARITÉS CLINIQUES DES DN
PHYSIOPATHOLOGIE
La physiopathologie des DN fait intervenir des mécanismes périphériques et centraux.
Parmi les mécanismes périphériques, on retrouve notamment : l’apparition de foyers d’activités anormales des fibres myéliniques lésées, une sensibilisation des nocicepteurs et des interactions non synaptiques entre les fibres adjacentes de petit et de gros calibre .(12-14)
L’inflammation et l’hyperexcitabilité nerveuse post-lésionnelles entraînent une sensibilisation périphérique dont la durée et l’intensité sont à l’origine d’une sensibilisation centrale. La persistance, l’intensité et la durée de l’évolution de la douleur sur le site opératoire ou à distance sont manifestement les signes d’une plus grande vulnérabilité favorisant le développement des DN(15).
SÉMIOLOGIE
La sémiologie de la DN comporte le plus souvent une douleur spontanée continue ou paroxystique (survenant en l’absence de stimulations) et des douleurs provoquées par des stimulations diverses (tactiles, thermiques). Ces deux composantes peuvent exister seules ou en association chez le même patient (11).
La douleur neuropathique est souvent décrite par les patients comme : une brûlure, une décharge électrique, un coup de poignard, une sensation de froid douloureux (11).
Les symptômes douloureux sont fréquemment accompagnés de sensations anormales (paresthésies, dysesthésies) non douloureuses, mais souvent désagréables telles que des fourmillements, des picotements, des démangeaisons ou des engourdissements (11).

PARTICULARITÉS CLINIQUES EN MPR : LA TOPOGRAPHIE PÉRIPHÉRIQUE
Les signes cliniques diffèrent suivant le type de patient, mais les douleurs neuropathiques en MPR présentent majoritairement une symptomatologie périphérique.
Les patients amputés (10)
DOULEUR DU MEMBRE FANTÔME OU DOULEUR DU MEMBRE RÉSIDUEL
- Hallucinose
L'hallucinose se définit par la perception extrêmement vivace du membre amputé. Elle est quasi constante dans les suites précoces de l'amputation de parties du corps qui, à l'état normal, sont le siège de sensations intéroceptives ou extéroceptives. Après l'amputation d'un membre, elle est spontanément signalée par les patients dans plus de 90 % des cas. Le membre fantôme fait partie de la représentation mentale du corps, autrement dit du schéma corporel.
- Algohallucinose
L’algohallucinose correspond à des douleurs ressenties dans le membre fantôme et imputables à la section nerveuse dont les afférences partagent les mêmes projections centrales que celles autrefois issues du membre absent.
DOULEURS DU MOIGNON
Elles concernent 50 % des patients en postopératoire immédiat et près de 30 % d'entre eux à distance de l'intervention. Leur présence favorise l'algohallucinose. Certaines douleurs sont en rapport avec une étiologie localisée au moignon : infection, ulcération, éperon osseux, point d'appui de la prothèse... D'autres douleurs sont plus directement liées à la section des filets nerveux.
Les patients présentant des lésions médullaires (16, 17)
DOULEUR LÉSIONNELLE
Il peut s’agir d’une DN segmentaire siégeant dans un dermatome. Localisée dans les territoires adjacents à la lésion, la douleur lésionnelle peut être liée à la compression d’une racine, à une syringomyélie ou à une lésion médullaire traumatique.
DOULEUR SOUS-LÉSIONNELLE
Localisée dans la région située en dessous de la lésion de la moelle épinière, cette DN est diffuse et liée à un double syndrome lésionnel et radiculaire.
Les patients cérébrolésés (18, 19)
Les douleurs centrales post-accident vasculaire cérébral (AVC) sont rarement hémi-corporelles. Elles peuvent revêtir une topographie « périphérique » (main, face, pied) et ont volontiers une projection pseudo-articulaire sur les grosses articulations (hanche, épaule, genou).
Les douleurs centrales post-AVC sont caractérisées par des associations variables entre :
- Une douleur spontanée se traduisant par des sensations de brûlure, de tiraillement, de décharge électrique ou de coup de poignard. Il peut également s’agir de dysesthésies se traduisant par des sensations de piqûres, de picotements, de fourmillements ou d’engourdissements.
- Une douleur provoquée après stimulations externes nociceptives (hyperalgie) ou non (hyperpathie et allodynie).
3 - COMMENT DÉPISTER ET PRENDRE EN CHARGE LES DN ?
DÉPISTAGE
Le questionnaire DN4 permet de dépister les DN. Il est fourni/donné/conseillé par le praticien pendant la consultation. La réponse positive à chaque item est cotée 1 et la réponse négative est cotée 0. Le score maximum est de 10 et le diagnostic de la DN est posé à partir d’un score de 4/10 (20).
Il s’agit d’un questionnaire à visée diagnostique et qui ne doit pas être utilisé pour évaluer l’efficacité d’une prise en charge.

PRISE EN CHARGE
Les DN sont souvent méconnues, sous-estimées et sous-traitées (11).
Elles sont aujourd’hui considérées comme une entité spécifique pouvant être diagnostiquée, évaluée et traitée indépendamment de l’étiologie (11).
En MPR, la prise en charge médicamenteuse est associée à une prise en charge physique (masso-kinésithérapie) pour prévenir ou lutter contre la douleur. Cette particularité permet d’agir sur toutes les composantes de la douleur (nociceptives, neuropathiques et émotionnelles) (21).
La prise en charge masso-kinésithérapique

La prise en charge médicamenteuse
Les DN ne répondent pas ou peu aux antalgiques de palier 1 tels que le paracétamol et les anti-inflammatoires non stéroïdiens. D’autres classes thérapeutiques doivent donc être envisagées, telles que : des antidépresseurs tricycliques, des antiépileptiques, des antidépresseurs inhibiteurs de recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, des opiacés et des antalgiques topiques(22).
Règles de prescription des médicaments dans la DN
MISE EN ROUTE DU TRAITEMENT
Initiation à doses faibles puis augmentation des posologies par paliers selon la tolérance et l’efficacité pour les traitements systémiques (titration).
DURÉE DU TRAITEMENT (exception faite des traitements topiques)
- Traitement pendant plusieurs mois (≥ 6 mois).
- Réévaluation de la tolérance et de l’efficacité à la fin de la titration puis de façon régulière.
- Réduction possible des posologies au bout de 6 à 8 mois de traitement efficace à doses stables.
PRISE EN CHARGE DES TROUBLES ASSOCIÉS
- Traitement spécifique de l’anxiété, de la dépression ou des troubles du sommeil si ces troubles associés sont jugés suffisamment intenses.
- Traitement des autres types de douleurs souvent associées aux douleurs neuropathiques selon l’étiologie.
RÉFÉRENCES
1. International Association for the Study of Pain (IASP). IASP Taxonomy. http://www.iasp pain.org/Taxonomy#Centralneuropathicpain. Consulté le 20/29/2021.
2. Ribinik P., Quesnot A., Barrois B. Prise en charge en médecine physique et réadaptation des patients présentant des douleurs neuropathiques. Lettre Médecine Physique Réadaptation 2010, 26 : 42-50.
3. Van Hecke O., Austin S.K., Khan R.A. et al. Neuropathic pain in the general population: A systematic review of epidemiological studies. Pain 2014; 155(4): 654-62.
4. Bouhassira D., Lanteri-Minet M., Attal N. et al. Prevalence of chronic pain with neuropathic characteristics in the general population. Pain 2008; 136(3): 380-7.
5. NICE. Spinal injury: assessment and initial management. NICE Guideline NG41. Methods, evidence and recommendations. Chapter 17: neuropathic pain 2016, 194-200.
6. Margot-Duclot A., Tournebise H., Ventura M., Fattal C. What are the risk factors of occurence and chronicity of neuropathic pain in spinal cord injury patients? Annals Physical Rehabilitation Medicine 2009, 25: 111–123.
7. Roullet S., Nouette-Gaulain K., Brochet B., Sztark F. Douleur du membre fantôme : de la physiopathologie à la prévention. Annales Françaises Anesthésie Réanimation 2009, 28(5): 460-72.
8. Serrie A., Mournan V., Treillet E. et al. La prise en charge de la douleur chronique. Un problème de société. 2014, https://www.sos-douleur-domicile.org/publications/article/16/la-prise-en-charge-de-la-douleur-chronique-un-probleme-de-societe. Consulté le 20/09/2021.
9. Hsu E., Cohen S.C. Postamputation pain: epidemiology, mechanisms and treatment. Journal Pain Research 2013, 13: 121-36.
10. Muller A. Sensations et douleur fantôme après amputation. In : Bonnet F. Évaluation et traitement de la douleur 2000. : 42ème Congrès national d’anesthésie et de réanimation. Éditions scientiques et médicales Elsevier SAS et SFAR 2000: 93-108.
11. Martinez V., Attal N., Bouhassira D. et al. Les douleurs neuropathiques chroniques : diagnostic, évaluation et traitement en médecine ambulatoire. Recommandations pour la pratique clinique de la société française d’étude et de traitement de la douleur. Douleurs Evaluation - Diagnostic - Traitement 2010; 11(1): 3-21.
12. Martinez V. La douleur neuropathique postopératoire. Le Congrès Médecin. Conférence d’Essentiel 2014.
13. Colloca L., Ludman T., Bouhassira D. et al. Neuropathic pain. Nature Review Disease Primers 2017, 3: 17002. doi:10.1038/nrdp.2017.2.
14. Calvino B. Physiopathologie de la douleur chronique. 2019. https://www.capdouleur.fr/physiopathologie-de-la-douleur-chronique-par-bernard-calvino/?locale=fr. Consulté le 22/09/2021.
15. Martinez V., Baudic S., Fletcher D. Douleurs chroniques postchirurgicales. Annales Françaises Anesthésie Réanimation 2013, 32(6) : 422-435.
16. Masri R., Keller A. Chronic pain following spinal cord injury. Advances Experimental Medicine Biology 2012, 760: 74-88.
17. Siddall. P.J. Management of neuropathic pain following spinal cord injury: now and in the future. Spinal Cord 2009, 47: 352–359. Turkish Physicain Medicine Rehabilitaion, 2015, 61 : 142-7.
18. Kiliç Z., Erphan B., Gündüz B. Isak Elvan G. Central Post-Stroke Pain in Stroke Patients: Incidence and the effect on Quality of Life. Turkish Journal Physician Medicine Rehabilitation, 2015, 61 : 142-7.
19. Kumar B., Kalita J., Kular G., Misra U.K. Central poststroke pain: a review of pathophysiology. Pain Medicine 2009, 108(5): 1645-57.
20. Bouhassira D., Attal N., Alchaar H. et al. Comparison of pain syndromes associated with nervous or somatic lesions and development of a new neuropathic pain diagnostic questionnaire (DN4). Pain 2005, 114(1-2); 29-36.
21. Quesnot A, Ribinik P., Barrois B. Prise en charge kinésithérapique au sein d’un service de MPR des patients présentant des douleurs neuropathiques. Douleurs Évaluation -Diagnostic - Traitement 2012, 13(6): 276-85.
22. Moisset X., Bouhassira D., Avez Couturier J. et al. Traitements pharmacologiques et non pharmacologiques de la douleur neuropathique : une synthèse des recommandations françaises. Douleur Analgésie. 2020, DOI 10.3166/dea-2020-0113.
M-NPR-FR-12-21-0014 – AVRIL 2023
M-NPR-FR-12-21-0014 – AVRIL 2023